Face à la transformation rapide des métiers et à l’émergence de l’IA, la gestion des talents s’impose comme un levier stratégique pour les entreprises. Seulement, identifier, développer et actualiser les compétences ne suffit plus : il faut désormais instaurer une dynamique d’apprentissage continu.
Comment faire évoluer les talents dans un environnement en mutation permanente ? Comment transformer la gestion des compétences en moteur d’agilité et de performance durable ?
Cet article explore les clés d’un nouveau modèle, où le développement des collaborateurs devient un atout collectif au service de la transformation des organisations.
La gestion des talents, un modèle à repenser
La gestion des talents s’est longtemps résumée à une administration des carrières individuelles. Les RH suivaient les collaborateurs (souvent les plus prometteurs) : entretiens programmés, plans de succession, parcours de formation standardisés. L’objectif était de sécuriser les trajectoires internes et d’assurer la relève managériale.
Mais dans un contexte où les métiers se transforment vite, ce modèle montre ses limites. Les technologies, dont l’intelligence artificielle, redéfinissent les activités. Les compétences se périment aussi plus rapidement et les salariés recherchent davantage d’autonomie et de sens. Pour rester performantes, les entreprises doivent désormais faire progresser en continu l’ensemble de l’organisation.
Autrement dit, la gestion des talents consiste aujourd’hui à créer des conditions de développement pour tous les collaborateurs : accès simplifié à la formation, apprentissage entre pairs, accompagnement des transitions et valorisation des compétences transverses. De cette façon, elle peut devenir un levier collectif de transformation des métiers, d’engagement et d’employabilité durable.
Près de la moitié (47 %) des décideurs jugent que leur modèle actuel de gestion des talents n’est pas adapté à l’évolution des besoins immédiats (étude "Global Talent Trends" 2024-2025).
L’IA redéfinit la gestion des talents : un nouvel équilibre entre hard et soft skills
Comprendre et manager l’IA : un nouveau défi
En automatisant certaines tâches, l'intelligence artificielle libère du temps aux collaborateurs pour la réflexion et la prise de décision, mais ne remplace pas la maîtrise métier. Concrètement, les salariés doivent continuer à entretenir leurs hard skills pour comprendre, orienter et contrôler les outils d’IA. Même si l’IA exécute, c’est toujours l’humain qui décide et valide.
En somme, cette évolution change les rôles : chacun devient, d’une certaine façon, le manager de son IA. Les collaborateurs doivent alors apprendre à encadrer l’outil pour en tirer une réelle valeur.
La montée en puissance des compétences humaines
À mesure que l’IA prend en charge l’exécution, les soft skills deviennent la véritable valeur ajoutée. Elles permettent de questionner les biais, d’interpréter les données avec recul et de transformer les résultats de l’IA en décisions utiles. L’enjeu pour les entreprises n’est plus d’opposer technique et humain, mais de trouver un équilibre intelligent : maîtriser les outils tout en renforçant les aptitudes relationnelles et cognitives.
Ce que cela change pour les RH
L’essor de l’IA oblige les RH à :
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adapter les référentiels de compétences. Les métiers évoluent, les tâches se recomposent : les référentiels doivent intégrer la maîtrise des outils d’IA et les compétences humaines qui leur donnent sens,
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former à la fois aux outils et aux soft skills. Un plan de développement efficace associe apprentissage technique et renforcement des compétences humaines ( communication, raisonnement critique, créativité, gestion éthique des données),
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utiliser l’IA comme levier de développement. Les solutions d’intelligence artificielle offrent de nouvelles possibilités pour personnaliser les parcours de formation, anticiper les besoins en compétences et aider les RH à mieux cibler leurs actions.
Par exemple, un SIRH doté d’une brique d’IA peut analyser les évaluations annuelles, les projets en cours et les tendances métiers pour recommander automatiquement des formations adaptées à chaque collaborateur. De leur côté, les RH disposent d’une vision dynamique des compétences disponibles et des écarts à combler, ce qui facilite la planification des formations et des mobilités internes.
Les compétences durables, socle d’une gestion des talents moderne
Qu’est-ce qu’une compétence durable ?
À mesure que les technologies évoluent et que l’intelligence artificielle automatise plusieurs tâches, certaines compétences conservent leur valeur dans le temps. On les appelle les compétences durables : des aptitudes humaines transférables, utiles dans différents métiers et contextes.
Communication, collaboration, esprit critique, adaptabilité, leadership, capacité d’apprendre à apprendre… ces compétences comportementales et cognitives constituent un socle stable sur lequel s’appuient les transformations organisationnelles. Concrètement, un collaborateur capable d’analyser une situation complexe, de coopérer avec des profils variés et d’apprendre en autonomie restera performant, quelle que soit la technologie utilisée demain.
Pourquoi elles deviennent stratégiques ?
Les compétences durables ne sont plus un simple “plus” sur un CV.
Premièrement, elles soutiennent la performance collective. Communication, coopération et intelligence relationnelle permettent aux équipes de mieux travailler ensemble, même dans des environnements hybrides ou multiculturels.
Deuxièmement, elles favorisent la mobilité interne. Par exemple, un chef de projet marketing peut plus aisément évoluer vers un poste digital grâce à son sens de la communication, sa capacité d’analyse et son esprit collaboratif.
Certes, une formation technique restera nécessaire mais ses compétences durables rendent la transition plus rapide et naturelle. Pour les RH, ces profils dotés de compétences durables sont capables de répondre vite aux besoins de l’entreprise tout en limitant les recrutements externes.
Troisièmement, elles renforcent la résilience face aux changements. Dans un contexte d’incertitude économique et technologique, l’agilité et la capacité d’apprentissage deviennent des atouts essentiels pour rebondir et s’adapter rapidement aux nouvelles priorités.
La durée de vie moyenne d’une compétence technique est passée de 30 ans en 1987 à environ 2 ans aujourd’hui, essentiellement sous l’effet des avancées rapides en digitalisation, automatisation et intelligence artificielle (Rapport Perspectives de l'emploi de l'OCDE 2025)
Enfin, elles pérennisent l’attractivité de l’entreprise. En effet, les organisations qui investissent dans ces compétences montrent aux candidats qu’elles misent sur le potentiel humain autant que sur la performance immédiate. Elles attirent ainsi des profils curieux, engagés et désireux de progresser avec elles.
5 compétences durables clés à renforcer en 2026
Esprit critique : questionner, hiérarchiser l’information et décider avec discernement à l’heure de l’IA générative.
Collaboration : coopérer efficacement, à distance comme en présentiel, dans des environnements transverses.
Agilité : accueillir le changement, tester, ajuster.
Curiosité : explorer de nouvelles approches pour anticiper les évolutions des métiers.
Apprendre en continu : se former régulièrement et capitaliser sur les retours d’expérience pour rester compétent dans la durée.
Ancrer durablement le développement des compétences dans l’entreprise
Changer de posture : activer plutôt que sélectionner
L’enjeu n’est plus seulement de repérer le potentiel, mais de l’activer. Autrement dit : faire en sorte que chaque collaborateur progresse, quel que soit son niveau de départ.
Cette approche place l’employabilité durable au centre de sorte que chacun puisse renforcer ses compétences, se repositionner si besoin, et contribuer à la performance de l’entreprise dans la durée.
Le rôle du manager, catalyseur d’apprentissage
Dans ce modèle, le manager devient un facilitateur d’apprentissage. Son rôle n’est pas seulement d’évaluer, mais aussi d’observer les compétences en situation, de donner du feedback régulier, et d’orienter les collaborateurs vers les bonnes opportunités : projets transverses, mentorat, missions de développement ou encore micro-formations ciblées.
C’est également lui qui est en première ligne pour repérer les signaux de potentiel (curiosité, autonomie, capacité à apprendre) et les transformer en leviers de progression. Autre point important : c’est à lui de créer un environnement où l’erreur est perçue par les collaborateurs comme une étape d’apprentissage (avec le soutien de la direction).
Créer les conditions d’un apprentissage collectif
Pour que le développement continu devienne une réalité, il doit être soutenu par une culture d’entreprise ouverte à l’expérimentation et à la coopération. Cela implique :
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de valoriser la progression autant que la performance, en reconnaissant les efforts d’apprentissage des salariés et les initiatives de montée en compétences,
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de favoriser le partage de connaissances entre collègues, via des communautés d’apprentissage, des binômes ou des retours d’expérience après projet,
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de donner accès à des ressources adaptées, afin que chacun puisse apprendre à son rythme, selon son métier et ses ambitions.
L’IA peut d’ailleurs agir comme un coach personnalisé, capable de recommander des formations, d’identifier des écarts de compétences ou de proposer des parcours adaptés.
Outiller et mesurer pour inscrire la dynamique dans la durée
Sans outils ni indicateurs, les efforts de formation restent invisibles et leur impact difficile à démontrer. Les RH ont alors tout à gagner à s’appuyer sur une plateforme de gestion des talents pour suivre l’évolution des compétences, la mobilité interne ou encore l’engagement autour de la formation. En effet, ces outils offrent une vision globale : ils relient les besoins opérationnels aux compétences disponibles et permettent d’anticiper les écarts avant qu’ils ne freinent la stratégie de l’entreprise.
Suivre des indicateurs comme la progression des compétences, le taux de formation, la mobilité interne ou l’engagement apporte plusieurs bénéfices :
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objectiver les actions RH : démontrer que les investissements en formation soutiennent la performance (productivité, engagement, fidélisation),
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cibler les priorités : repérer les métiers ou équipes où les besoins en compétences sont les plus critiques pour ajuster les plans de développement,
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renforcer le dialogue RH-managers : utiliser les données comme base d’échange sur les évolutions de carrière et les efforts à poursuivre, qu’il s’agisse de développer des compétences clés ou de soutenir une mobilité interne,
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piloter l’attractivité : prouver que l’entreprise développe réellement les compétences renforce sa marque employeur et attire les profils en quête d’apprentissage continu.
Mesurer n’est donc pas une formalité, mais un levier d’amélioration continue. C’est ce qui permet aux RH de passer d’une logique déclarative “nous formons” à une logique démonstrative : “voici l’impact du développement des compétences sur notre performance.”
En résumé, en misant sur le développement continu, les compétences durables et l’équilibre entre humain et technologie, les RH renforcent à la fois l’agilité, l’engagement et la performance collective. Former, mesurer et faire progresser est désormais la clé d’une gestion des talents vivante et durable.